Les contenus artistiques (« brand art », « artketing ») sont appelés à jouer un rôle essentiel au sein des produits, des lieux de vente et de la production éditoriale.
Selon Gilles Lipovestky, sociologue qui ausculte les transformations des modes de vie et des comportements et qui était invité fin 2014 au Club Cortex[1] : « Le néoconsommateur est à l’affût non pas d’utilité, mais comme le disait Paul Valéry “d’impressions inutiles“, purement expérientielles. Il veut voir, sentir, alors il prend des photos. Il y a une démocratisation de l’expérience esthétique. Cette quête esthétique passe par une consommation croissante de musique, de films, de festivals, d’art mais aussi de décoration, de design, de jardins ou de tourisme. ».
Gilles Lipovetsky constate qu’on est entré dans une logique de consommation émotionnelle : « On achète des produits pour vivre un semblant d’aventure et de beauté. La consommation est la recherche d’expériences nouvelles, un appel à la jeunesse perpétuelle et un refus de la répétition et de la routine. » Dans un entretien à Libération, il indique : « Nous sommes maintenant des drogués au “nouveau“. Il n’y a pas de limites à la recherche d’expériences sensibles et “surprenantes“ ».
Avec le critique culturel Jean Serroy, Gilles Lipovetsky est l’auteur de L’esthétisation du monde, vivre à l’âge du capitalisme artiste (Gallimard, 2013) :
« Le capitalisme artiste renvoie à la consommation. C’est-à-dire à toutes les opérations de décoration, de stylisation, de séduction des produits et de l’espace (magasins, centres commerciaux, restaurants, aéroports, centres-villes, gares, paysages). Plus aucun domaine qui échappe à ce paradigme. Esthétique doit s’entendre au sens grec originel, aesthesis, qui renvoie aux perceptions, aux sensations, aux affects, aux émotions. Le capitalisme artiste, c’est le système qui construit le marché de la sensibilité. Il fonctionne comme une immense ingénierie du rêve, de l’émotion et de l’imaginaire. ».
Pour Gilles Lipovetsky et Jean Serroy[2], le capitalisme évolue vers une esthétisation croissante des objets et des communications. Ce « capitalisme artiste », repose sur « l’interconnexion du calcul et de l’intuitif, du rationnel et de l’émotionnel, du financier et de l’artistique. Sous son règne la recherche rationnelle du profit s’appuie sur l’exploitation commerciale des émotions ».
Le capitalisme artiste repose sur la mise en place d’une logique de spectacle et de divertissement. Le packaging, la publicité et le brand content participent au phénomène notamment grâce à l’avènement des médias audiovisuels (musique, photo, cinéma). L’émergence de la figure du designer illustre le basculement de l’industrie, considérée comme laide, vers une production esthétisée.
Il est une figure unificatrice autour de laquelle peuvent se mélanger tous les genres, tous les secteurs de la création. Selon Lipovetsky, « l’heure est au mixage de l’art et de l’industrie, de l’art et de la publicité, de l’art et de la mode, de la mode et du sport, du design et de la sculpture ». Ce mélange des genres (que Lipovetsky appelle « hybridation ») se fait notamment entre le domaine marchand et le domaine artistique. Le capitalisme artiste, c’est aussi l’émergence d’un Homo Aestheticus, consommateur esthète, qui veut co-créer avec la marque. « Si le capitalisme artiste produit une consommation culturelle de masse, il favorise également la poussée des ambitions expressives individuelles. L’artiste, désormais, ce n’est plus l’autre : dans mes rêves et un peu au quotidien, c’est moi ». Le consumérisme est donc toujours présent, mais il est lié à une recherche esthétique insatiable et croissante. La qualité de vie devient alors une nouvelle quête.
L’art, de la poésie aux arts plastiques, est un moyen pour les marques de réjouir l’Homo Aestheticus à l’affût de sensations nouvelles. Le site de curation créatif Fubiz (http://www.fubiz.net) relève quotidiennement des exemples de collaborations artiste/marque en photographie, vidéo, design, pop culture, arts plastiques, street art, etc.
Y figurent deux installations de street art créées pour Nike : le playground Duperré rénové par Ill studio, et une fresque sur un terrain de basketball à Barcelone par l’illustrateur londonien Neil Stevens.
[2] http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Hors-serie-Connaissance/L-esthetisation-du-monde
Les contenus artistiques sont à même de créer des expériences originales et des univers inspirants. Black Supermarket [3], aux couleurs des capsules Carte Noire, célèbre avec 10 street-artistes la fermeture d’un supermarché Coccinelle de 400 mètres carrés avec le squat d’un lieu.
[3] Lauréat du Grand Prix du Brand Content 2017 (catégorie Pop Up Store de marque)
Château La Coste[4], avec son parc de sculptures à proximité d’Aix-en-Provence, associe l’art avec les vignes, la production de vin, l’hôtellerie et la restauration. Le champagne Brimoncourt crée chaque année, dans le cadre de l’exposition Jardins, Jardin aux Tuileries, un bar sous forme de jardin éphémère.
L’art numérique
Les sculptures lumineuses et les arts numériques représentent un support de choix pour communiquer dans l’espace (sièges sociaux, lieux de vente, …) ou pour mettre en valeur des produits, comme Lotus avec cette œuvre générative d’Hugo Verlinde : http://www.lepixelblanc.fr/lotus
Selon l’agence Le Pixel Blanc, « L’art est un langage universel. C’est donc également un moyen de communication pour l’entreprise, vis-à-vis de ses collaborateurs, de ses clients, et plus largement en tant qu’acteur social de son environnement. L’art numérique, de par sa nouveauté, sa technicité, l’effet de magie des images et des expériences visuelles qu’il suscite, remet au centre de l’émotion esthétique dans le rapport entre l’être humain et les objets du monde ».