Un « biovote » pour nous interpeller sur notre modèle alimentaire

En organisant un « biovote » en pleine période de campagne électorale au cœur du Salon international de l’agriculture, Biocoop a trouvé un moyen original de sensibiliser les consommateurs-citoyens et les candidats

Le contexte

Lundi 28 février 2022. Le Salon international de l’agriculture (SIA) bat son plein après deux ans d’activités perturbées par le coronavirus : annulation en 2021, fermeture un jour plus tôt en 2020. Le contexte de cette édition 2022 était tout aussi particulier : la guerre de Poutine sévit en Ukraine, la France est en pleine campagne pour les présidentielles.

« Nous ne voulions pas louper la conjonction d’un retour du salon physique et d’une élection présidentielle en perspective », explique Patrick Marguerie, directeur de la communication de Biocoop. « Nous considérons que notre choix de société est mal orienté et qu’un autre modèle doit voir le jour », poursuit-il.

Quoi de mieux pour interpeller les politiques et les citoyens que de se saisir du contexte et du lieu – le salon de l’agriculture, vu comme la « célébration de l’agroindustrie à la française » – pour lancer un « biovote pour l’agriculture de demain » ?

C’était de plus sans compter sur le déclenchement d’une guerre barbare qui met encore plus en évidence les failles du modèle actuel, dont la forte dépendance énergétique des Européens qui pose problème aussi à leur modèle agricole.

« Biocoop est la seule coopérative en Europe à disposer de toutes ses parties prenantes – salariés, producteurs et consommateurs – représentées au sein de son conseil d’administration. Nous portons un projet de société et en ce sens nous nous adressons à la fois aux consommateurs et aux citoyens », précise Patrick Marguerie.

Le dispositif

Des crieurs positionnés à l’entrée du SIA ont distribué 18 000 flyers invitant les Français à se prononcer sur les engagements pris par Biocoop qu’ils jugent les plus prioritaires (pour les produits vendus en marque propre : fin des aliments ultra-transformés, suppression des sels nitrités dans l’offre charcuterie, priorisation de l’origine France, etc.). Relayée sur le digital en organique et en paid, l’opération #biocitoyen se déroulait sur deux semaines.

Pour compléter l’opération, Biocoop a fait appel à Hungry and Foolish pour concevoir une campagne d’affichage coup de poing afin d’interpeller les candidats plus précisément sur le recours toujours croissant aux pesticides, comme le glyphosate et les néonicotinoïdes « tueurs d’abeilles ». Le premier est toujours autorisé en Europe et en France, alors que le président de la République alors candidat s’était engagé à l’interdire au plus tard en trois ans. Les seconds, interdits en Europe depuis 2018, ont été récemment réautorisés en France dans 400 000 hectares de champs de betterave à sucre…

L’affiche a été exposée en pleine page sur Le Monde du 7 mars et sur les pages sociales de l’enseigne. Les candidats en meeting ont été interpellés par la marque sur Twitter.

Résultats et perspectives

Au moment de cet entretien, la consultation avait déjà dépassé le seuil minimum de 1 000 votes pour devenir représentative. « Ce qui nous intéressait, c’était surtout de tendre le micro aux Français afin de connaître ce qui leur paraissait le plus urgent parmi les mesures que nous allons de toutes façons mettre en place », précise le communicant.

« Si ces deux initiatives peuvent permettre à Biocoop de s’inviter dans les débats, ce sera déjà une victoire », analyse Matthieu Reinartz, président de l’agence Hungry and Foolish. « Ce n’est pas qu’une affaire de visibilité, mais de mobilisation pour faire bouger les lignes de cette campagne présidentielle », conclut-il

Luciana Uchôa-Lefebvre