Soyez Humains

Comme pour la BCMA, cette année marque mon quinzième anniversaire dans le monde en constante mutation du brand content. Et le garçon a changé. Cette mini-mission à traduire en mots le monde créatif que j’ai habité pendant la majeure partie de ma carrière m’a conduit dans un voyage qui a véritablement mis cela en perspective. Alors que je me suis aventuré à traverser les souvenirs médiatiques flous du chemin de retour vers mon premier contenu commercial, ça m’a frappé de voir comment aussi bien le contenu que le rôle de le créer ont évolué.

Ce qui est également devenu évident, c’est que malgré le rythme incroyable des changements survenus ces quinze dernières années, les principes fondamentaux du contenu de marque sont restés constants. L’objectif pour moi a toujours été de fournir au consommateur un contenu d’une valeur authentique.

Un contenu qui les touche dans leur émotion. Un contenu qui soit divertissant, informatif, inspirant et qui cherche à transmettre le message d’une marque à un niveau un peu plus viscéral. Pour moi, cela n’a jamais faibli et je doute que ce sera le cas un jour. De même, ma créativité a toujours été portée par mes tripes, mon instinct et ma compréhension des motivations des audiences sur les plans psychologique et émotionnel.

Bien que les données et l’analyse soient devenues une partie importante du contenu de marque, je maintiens que bien que cela ait de la valeur, la source la plus puissante de la créativité doit rester l’humain.

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Adam Harris, directeur de solutions clients Europe, Twitch

Pour remettre tout cela en contexte, revenons à 2004. Un temps avant que les mégaplateformes ne viennent s’implanter solidement. J’étais rédacteur publicitaire junior au journal Métro. Je venais de recevoir ma première affectation de brand content, je devais créer des guides urbains pour la Scandinavian Airlines (SAS) à traduire et à syndiquer dans cinq marchés européens.

Je l’ai fait – des doubles pages sur Copenhague, Oslo et Stockholm présentées dans l’un des plus importants quotidiens. Je pouvais devenir le prochain Bill Bryson en peu de temps. Ou non, car il est vite devenu clair que c’était un contenu de type « après coup » et il n’y avait pas assez de budget pour voyager dans ces villes ni même acheter et emprunter de manière créative à un guide Lonely Planet.

Sans me laisser décourager, j’ai contacté les rédacteurs-en-chef de Métro dans ces villes et j’ai même lancé un appel aux lecteurs pour qu’ils m’envoient par e-mail leurs recommandations, dans ce qui deviendrait plus tard la notion marketée de «  contenu généré par l’utilisateur » ou UGC.

J’ai eu suffisamment de quoi générer 2500 mots destinés à convaincre des Millennials de se séparer de leurs euros durement gagnés et d’acheter des vols sur la SAS pour visiter lesdites villes. J’ai découvert plus tard, en visitant ces villes, que [heureusement] elles étaient en fait aussi impressionnantes que je les avais imaginées.

Même à ce stade précoce et sans la perspicacité que nous avons grâce à des gens comme celles de la BCMA, ma philosophie créative était d’essayer de produire quelque chose de vraiment utile pour le consommateur de la marque. J’ai simplement utilisé le raisonnement selon lequel les recommandations locales faites de pair à pair entre jeunes adultes seraient mieux prises en compte par ces derniers que les propos tenus par une source médiatique sans visage.

Il n’y avait pas de science, le créateur du contenu connaissait le public parce que j’étais ce public. À l’époque, l’objectif était que ces banlieusards occupés passent déjà deux minutes de leur voyage à se divertir et à s’inspirer des contenus de la SAS. Mieux encore, qu’ils repartent en ayant arraché la page pour en discuter avec leurs conjoints ce soir-là.

Alors le Saint Graal aurait été que le morceau de contenu provoque une envie telle de Smörgåsbord et de longues nuits sombres qu’ils aillent directement au travail, se connectent sur le site web des compagnies aériennes scandinaves et réservent des billets pour Stockholm. Tack så mycket! (Merci beaucoup !)

Quinze ans plus tard et après avoir travaillé sur le contenu de marque dans presque tous les types de médias et d’industries, je le pratique maintenant sur l’une des « mégaplateformes » mentionnées plus haut. Cette plateforme est Twitch et l’outil à ma disposition est la vidéo en direct sur les réseaux sociaux. La différence entre mon premier morceau de contenu de marque pour la SAS et mon dernier pour Tomb Raider de Warner Bros ne pouvait être plus spectaculaire.

Les deux pages de diffusion sont pour moi une mémoire physique lointaine et joyeuse alors qu’avec Warner Bros nous construisons une « expérience de réalité alternative en direct », mise en ligne dans les régions EMEA, LATAM et APAC. Les viewers de ces régions ont travaillé ensemble, parcourant un labyrinthe de tombes pour résoudre des « énigmes neutres » en langage cryptique.

Ils l’ont fait en décidant collectivement des mouvements à effectuer sur le lecteur vidéo en direct. L’objectif étant de piller le dernier tombeau caché et de découvrir la récompense d’un nouvel émoticône disponible dans le monde entier qui pourrait être utilisé par toute la communauté.

Près de deux millions de personnes ont participé à cet environnement interactif de marque sur une période de 42 heures.

C’est beaucoup pour un contenu court, hein ? Les audiences ont agi ensemble en temps réel sur et hors la plateforme pour résoudre les énigmes, et ont même produit un document pédagogique Google de 77 pages pour aider leurs camarades. C’était un exemple extraordinaire de ce que je classe comme contenu UCC ou User Collaborative.

Le contraste entre cela et la pièce SAS est fascinant. Les deux étaient des éléments de contenu conçus pour fonctionner sur plusieurs territoires et ciblant la génération Y. Cependant, alors que mon premier contenu était une partie « agréable à avoir » du mix marketing, le contenu de Warner Bros était un projet réfléchi et complexe, en préparation depuis neuf mois, avec un investissement considérable ciblé pour impliquer le public par le biais de la réalisation du contenu.

À ce titre, les ressources et les compétences requises ont radicalement changé. Dans le premier cas, c’était moi-même et mon fidèle index rapide pour frapper le clavier, certains éditeurs locaux, une poignée de lecteurs et quelques traducteurs qui ont créé quelque chose pouvant être lue pendant deux minutes et avec un potentiel de changer le comportement des consommateurs limité.

Le projet Tomb Raider avait des développeurs, des codeurs, des cryptographes, des designers d’animations et même des technologues créatifs (un titre qui n’existait certainement pas il y a quinze ans). Nous n’avions pas besoin de traducteurs car nous utilisions la langue des émoticônes pour créer une réalisation universelle neutre en langage.

Et tout cela a conduit à un environnement et un monde qui, dans l’économie de l’attention, ont tenu bon pour atteindre la génération Y non pas pendant deux minutes mais pendant deux journées entières. Alors que le premier a utilisé dans une certaine mesure de l’UGC, il s’agissait essentiellement d’un contenu promotionnel. L’exemple de Tomb Raider illustre une nouvelle aube du brand content qui va au-delà de l’UGC pour vraiment impliquer un monde collaboratif où marques et utilisateurs travaillent ensemble pour créer et façonner l’expérience de contenu.

Ces études de cas sont mon témoignage personnel des changements survenus dans le contenu, déclenchés principalement par la technologie, que nous savons tous s’est manifestée au cours des quinze dernières années. Cependant, ils ont également servi à illustrer comment mes principes de conduite concernant la création de contenu de marque, auxquels j’ai fait référence au début de cet article, sont restés inchangés.

Comme la commande SAS, le projet Tomb Raider a été dicté davantage par les tripes et la compréhension du public que par n’importe quelle source de données. Pour Tomb Raider, comme SAS avant lui, la psychologie, en l’occurrence d’un public de joueurs et d’une communauté, a dirigé la production créative.

Les joueurs sont intrinsèquement compétitifs et cherchent à améliorer leur placement intellectuel devant leurs pairs.

De même, l’aspect communautaire des environnements sociaux en direct nous permettait d’être convaincus du fait que les gens relèveraient le défi et travailleraient ensemble pour un objectif commun. Je maintiens que ce n’est qu’avec une compréhension et une intuition humaines dans le processus créatif que l’on peut atteindre le but ultime de toucher l’utilisateur final dans son plexus solaire émotionnel et ainsi créer une valeur et une résonance authentiques pour lui.

La technologie et la data nous permettent de faire des choses incroyables dans le contenu de marque, mais elles ne peuvent recréer l’outil le plus déterminant dans la production d’un contenu de marque excellent – l’être humain. Pas encore en tout cas.

*Adam Harris est directeur de solutions clients pour l’Europe de Twitch, la plateforme de social video  streaming d’Amazon. Adam est spécialiste de contenus commerciaux. Il dispose d’une vaste expérience multiplateforme et dans la direction d’équipes de départements créatifs primées. Adam a travaillé dans le contenu de marque pour de nombreux secteurs, comme le sport, le divertissement, les médias et les jeux. Avant Twitch, il était directeur créatif international de Time Out. Il a créé l’équipe de contenu commercial de l’entreprise au Royaume-Uni et aux États-Unis. Sous sa direction, cette dernière a reçu la médaille d’or du prix de la Semaine des médias 2015 pour la campagne « Time Out Talks to Google ». Il a reçu de nombreuses autres récompenses publicitaires prestigieuses pour Samsung, Coca-Cola, Nokia, British Airways et GSK. Adam est titulaire d’un BSC en business management de la Kings College University de Londres.

Texte traduit de l’anglais par Luciana Uchôa-Lefebvre