Quel est le rapport entre storytelling et brand content ?

Voici une réponse à cette question complexe élaborée avec le sémiologue Raphaël Lellouche.

On a l’habitude de tout mettre dans le storytelling et de croire que le storytelling consiste à raconter n’importe quelle histoire.

Or, le storytelling est d’un genre bien particulier. Une histoire peut être d’une complexité infinie : le storytelling consiste à mettre la réalité complexe dans des schémas faciles à retenir.

On pourrait le définir comme un procédé narratif qui consiste à condenser les éléments clé d’un récit pour rendre celui-ci facilement mémorisable, appropriable et restituable par l’auditeur.

Il donne naissance à un récit (textuel, en image, en vidéo, en acte..) qui s’articule autour de quelques événements (ou actes), lesquels dessinent un « destin » mémorisable. Comme dans les « biographies » légendaires, ce sont quelques « biographèmes » qui articulent la trajectoire d’une vie, et, ainsi, la stylisent.

Avoir compris le rôle et l’importance du storytelling, c’est avoir compris que le récit est une structure fondamentale de la pensée et que donc c’est le vecteur privilégié de la communication en général.

Le storytelling consiste à raconter une bonne histoire

Qu’est-ce qu’une bonne histoire ?

Une histoire fondée sur l’honnêteté/authenticité : elle doit faire preuve d’une certaine authenticité et s’appuyer sur des faits réels pour être crédible.

Captivante : une histoire doit avoir un fort pouvoir d’évocation et faire écho à la vision du monde des consommateurs, à leur imaginaire collectif.

Concise : elle doit condenser les éléments-clés d’un récit (idée de syncrétisme) pour faciliter la mémorisation et la restitution.

Avec une structure fascinante (dramatisation, stylisation) : l’histoire doit reposer sur un certain nombre de rebondissements pour fasciner l’audience.

 L’enjeu d’une bonne histoire est de transformer les consommateurs en conteurs, en storytellers et ainsi en ambassadeurs de la marque. « La fascination qu’inspire une bonne histoire nous pousse à la répéter » écrit Christian Salmon[1]. La diffusion virale est conçue sur un modèle épidémiologique : on a conceptualisé le phénomène de la rumeur sur le modèle de l’épidémie pour penser la diffusion des idées. Avec le storytelling, les éléments de l’histoire se diffusent de manière fluide dans la contagion mentale collective, reprise ensuite par la presse. C’est le meilleur média pour une communication populaire de masse.

On comprend alors tout l’enjeu du storytelling à l’ère conversationnelle d’Internet : non seulement c’est un outil qui permet de créer du buzz, et de voir la légende de la marque circuler sur le web, mais c’est aussi un puissant outil de relation publique : les journalistes peuvent aussi contribuer à l’instar des bloggeurs à diffuser cette « légende » construite par la marque. La facilité d’appropriation vaut pour tous les publics de la marque : en interne pour fédérer, auprès des consommateurs pour revigorer la marque, auprès des journalistes pour faire passer des messages clé.

[1] in Storytelling, La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, La Découverte, Paris, 2007.

Nous l’avons dit, le storytelling est un genre particulier de récit. Par rapport au contenu de marque, sa portée est beaucoup plus réduite. En effet, le storytelling est avant tout du history-telling (stylisation de la vie d’un être réel, que cet être soit un produit, un personnage ou une marque). Il vise à raconter et à faire circuler une légende de la marque : histoire d’un produit, d’une personnalité représentant la marque, histoire de la marque elle-même.

Or le brand Content a des ambitions beaucoup plus diverses : divertir/créer du rêve, mais aussi informer, éduquer, apporter une aide.

Ce contenu peut prendre la forme d’un récit ou d’une légende, mais aussi des formes tout autre : une expérience sensorielle/émotionnelle (musicale, par exemple), une application digitale pratique, un événement, une exposition, etc.

En outre, dans le storytelling, l’histoire est toujours liée à la marque, tandis que le contenu peut avoir une certaine indépendance, voire être totalement non brandé.