Professionnaliser le brand content

Nous ne conduisons pas de voitures volantes comme le prévoyaient nos manuels, mais l’avenir semble bien frapper à notre porte. Du moins dans l’industrie de la publicité. Même les voix les plus réactionnaires de notre secteur souvent réactionnaire s’accordent sur le fait que la diaspora des audiences et leur intolérance croissante à l’égard de la publicité marquent un « avant » et un « après » dans notre profession.

Un consommateur armé de télécommandes, d’enregistreurs vidéo numériques et de bloqueurs de publicités laisse entrer uniquement les messages qu’il souhaite recevoir. C’est là le nœud du problème : intérioriser le besoin impératif de communiquer tout en apportant de la valeur. Que nous qualifions cela de contenu de marque ou non, il s’agit d’un minimum.

L’hypersaturation dans la publicité s’est accompagnée ces dernières années de rien de moins qu’un bombardement copieux de contenus de marque : des dizaines de web séries et leur maigre public languissent sur YouTube, des centaines de blogs de marques disent tous la même chose et les spots n’atteindraient même pas la liste des présélectionnés des festivals les plus généreux.

Javier Regueira, fondateur de l’agence de brand content ZOND

Un contenu incapable de rivaliser avec plus de 100 000 web séries, 357 millions de blogs ou la centaine de chaînes de télévision accessibles à tous les utilisateurs.

Nous pensions que nous dominions déjà le nouvel écosystème numérique, mais nous avions tort. En appliquant notre philosophie publicitaire, nous pensions que l’intuition et le talent créatif suffiraient à conquérir un large public, tout comme les séries télévisées, les longs métrages, les livres ou les journaux. C’est oublier que contenu et publicité sont des choses opposées.

Malgré tout, les marques continuent de nous demander du contenu : selon la dernière édition de Content Scope, 84 % des annonceurs investissent déjà dans le contenu de marque, y affectant 13 % de leur budget.

Le moment est venu de professionnaliser réellement le brand content.

Nous devons dépasser la phase embryonnaire des « expériences sur la soude » et trouver des approches méthodologiques fiables qui nous assurent davantage de succès, plus souvent.

Sans être exhaustif, voici cinq défis qu’à mon avis nous ne pouvons plus éviter :

  1. Changer de mentalité : de l’annonceur au média publicitaire. Les annonceurs lancent des campagnes : ils produisent et diffusent une annonce, concentrant leurs investissements ensuite dans l’amélioration de son impact. Les différents supports offrent du contenu : dans un monde hyperconnecté, ils restent actifs 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et offrent des informations utiles ou des divertissements à leurs audiences, entretenant ainsi de manière continue leur relation avec eux. Si nous voulons créer du contenu de marque, le choix du modèle à suivre est évident. Souhaitez-vous vous laisser inspirer ? Suivez les gars de T-Brand Studio (New York Times).
  2. Intégrez des profils professionnels spécialisés dans vos équipes. Cette nouvelle approche exige que nous attirions de nouveaux talents dans le monde de la publicité. Le partenariat entre directeur de la publication et directeur artistique restera essentiel pour la conception de stratégies créatives, la rédaction d’une fiche ou d’une réclamation. Toutefois, si une marque souhaite également que le public lise ses articles ou visionne le contenu de ses vidéos, elle doit confier ce travail à des journalistes, des scénaristes et des producteurs. Souhaitez-vous vous laisser inspirer ? Écoutez la présentation de Mike Monello (un cinéaste ! : père du « Projet Blair Witch » et actuel directeur général de l’agence Campfire NY) dans la dernière édition de Branducers, événement de la BCMA Espagne.
  3. Consacrez des ressources à la mesure de l’efficacité de votre contenu. Si ce dernier ne nous aide pas à vendre à court, moyen ou long terme, notre communication, quelle qu’elle soit, n’en vaut pas la peine. Le recours à la combinaison novatrice de méthodologies qualitatives et quantitatives nous permet désormais de tester le développement de notre entonnoir après l’exposition au contenu de marque. Souhaitez-vous vous laisser inspirer ? Découvrez la nouvelle méthodologie de mesure de l’efficacité du brand content, développée conjointement par l’institut Ipsos et l’Association espagnole de brand content.
  4. Collaborez. Mais pour de vrai. La production de contenu de marque est une tâche complexe qui implique tous les maillons de la chaîne de valeur. Souhaitez-vous vous laisser inspirer ? Visitez la série vidéo de Vodafone « L’avenir est passionnant ». Leurs près de deux cent mille followers et millions de vues sont le fruit d’un travail de marque collaboratif entre leur agence média, leur rédacteur et leurs propres supports publicitaires.
  5. La prochaine barrière : monétiser le contenu. Lorsque le contenu devient un atout de marque si puissant qu’un public serait prêt à payer pour cela, il n’y a aucune raison de les empêcher de le faire. Souhaitez-vous vous laisser inspirer ? Nous aimons les guides Metropolis et Gotham City produits par Time Out Magazine. Ils ont été lancés à la sortie du film « Batman v Superman » et on les trouve sur Amazon pour plus de 9 € chacun. Ils ont vendu deux cent mille exemplaires.

« La folie c’est toujours répéter la même chose tout en espérant un résultat différent à chaque fois. » Attribué à Albert Einstein.

Si nous voulons un contenu de marque qui, au lieu de simplement satisfaire aux exigences de base, puisse concurrencer avec succès une autre marque, un média ou un consommateur dans un monde hyperconnecté, il est temps de prendre des décisions.

Mieux vaut maintenant que plus tard.

Javier Regueira est titulaire d’un doctorat en brand content et d’une maîtrise en marketing de l’URJC ainsi que d’un diplôme en CC.EE. Européenne (ICADE E-4). Il est le fondateur de l’agence de brand content, ZOND. Au cours des quinze dernières années, il a travaillé pour de nombreuses grandes marques, dont notamment Marlboro, Nivea, Coca-Cola, BBVA, Davidoff ou Hugo Boss. Javier est membre fondateur de la BCMA Espagne, responsable des formations pour l’organisation.

Texte traduit de l’anglais par Luciana Uchôa-Lefebvre