Scène 1 : un cadre supérieur est assis seul dans un bureau, l’air exténué, la tête enterrée entre ses mains.
Bande sonore : musique triste et plaintive.
Pauvres directeurs marketing en ces temps-ci si durs. Où placer leur budget au mieux ? Dans du print ? De la télé ? De l’affichage ? Du cinéma ? Sur Instagram ? YouTube ? Facebook ? Twitter ? Snapchat ? Pinterest ? Twitch ? Un événement ? AR ? VR ? Toutes les options précédentes ? Aucune des réponses précédentes…?
Pauvres, pauvres CMO. Leurs enfants en savent plus sur certaines de ces plateformes qu’eux-mêmes. Pas étonnant que leur durée moyenne sur ce poste ne soit que de 18 mois, selon la Marketing Society. Cette méconnaissance et cette complexité suffisent à vous rendre fou.
Audio : l’aiguille grattant sur un vinyle. Couper à –
Scène 2 : Un enfant plongeant dans une boîte de chocolats, jetant les emballages en l’air avec joie.
En fait, oubliez cette idée. Les CMO d’aujourd’hui n’ont jamais été aussi bien. Sérieusement. Remontez quinze ans en arrière. Imaginez faire du marketing à ce moment-là. Pas de YouTube. Pas de Twitter. Pas de Facebook. Pas d’Instagram. Pas de Snap. Pas de Pinterest. Google quittaient à peine ses couches et ses produits publicitaires se baladaient instables sur les emplacements.
Les CMO d’autrefois avaient très peu de données avec lesquelles jouer, et donc très peu de notion du ROI. Mettez-vous à leur place en 2003 pendant un moment. Vous étiez alors détenu au-dessus d’un baril par un petit nombre de médias très puissants qui pouvaient facturer des tarifs astronomiques. La taille comptait : toucher un public de masse était l’apanage d’un nombre relativement restreint de marques riches en liquidités.
Cela a également été l’une des causes de l’ascension des mégas holdings d’agences médias et de Sir Martin Sorrell. Les clients avaient besoin de grands réseaux médias pour avoir une chance de gagner le bras de fer contre les gros publishers.
Mais maintenant les choses sont différentes. Très différentes. De toute évidence, la domination de Facebook et de Google pose certains « problèmes » (pour le moins), mais vous pourriez rétorquer que vous n’avez plus besoin d’une agence média coûteuse pour promouvoir votre entreprise de manière rentable de nos jours. Vous pouvez atteindre des audiences massives et relativement bon marché sans Sir Martin Sorrell. Les barrières à l’entrée ont considérablement baissé.
Regardez la liste ci-dessus des canaux avec lesquelles les marketeurs doivent composer en 2020 et vous serez frappé par une chose : à l’exception de Google, ils dépendent tous de plus en plus voire exclusivement des vidéos pour chatouiller le globe oculaire de leur public – et l’entreprise mère de Google, Alphabet, possède YouTube bien entendu.
Facebook a peut-être démarré comme un lieu où lancer des vannes à vos amis et découvrir ce que votre sœur avait pour le dîner, mais en 2016 au Congrès mondial de la téléphonie mobile de Barcelone, Mark Zuckerberg a déclaré : « Il y a dix ans, la majorité du contenu était du texte, puis des photos, et maintenant il devient rapidement des vidéos. Je pense seulement que dans quelques années nous serons dans un monde où la grande majorité du contenu que les gens consommeront en ligne sera vidéo. »
Et c’est ce qui est arrivé.
Mais pourquoi ? Zuckerberg ne fût pas à l’origine de cela. Il simplement (et astucieusement) prédit un changement de comportement des consommateurs.
« Les jeunes » ont-ils perdu la capacité de lire ou de faire attention à quelque chose de plus exigeant qu’un gif animé en boucle de cinq secondes ? Ce présupposé relève du non-sens condescendant et mal informé. Les lectures longues sont très populaires en ligne. Regarder des drames complexes en boucle sur Netflix est une chose. Les « jeunes » sont généralement bien informés et engagés. Ils sont juste … différents des vieux cons comme moi. Ce n’est donc pas cela qui explique l’essor de la vidéo.
Les gens de toutes les générations passent énormément de temps sur leurs smartphones de nos jours, et le texte n’est pas le moyen le plus efficace de communiquer sur cette plateforme. D’où la popularité des émojis, des services photo comme Instagram – et de la vidéo. Les entreprises réagissent – ou devraient réagir – en conséquence en y investissant.
Mais où cet investissement devrait-il aller ? Et pour produire quel genre de vidéo ?
Je ne suis pas un Millénial, encore moins un membre de la génération Z, mais, mis à part le sport en direct, je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai regardé un programme télévisé au moment où il a été diffusé. Je saute les publicités si je peux. Si je ne le peux pas, cela me met tellement en colère que je suis plus susceptible de boycotter une marque qui m’empêche de regarder ce que je veux regarder que d’acheter ses produits. J’ai installé des ad blockers sur tous mes appareils, alors que je travaille pour l’industrie de la publicité, bon sang !
Le modèle publicitaire intrusif est mort. Mais si vous êtes une marque, vous pouvez toujours me contacter.
Pensez digital first. Montrez-moi un film que je n’ai encore jamais vu. Montrez-moi le monde sous un angle nouveau, apprenez-moi quelque chose. Faites-moi rire, faites-moi pleurer, mettez-moi en colère. Racontez-moi une histoire. N’interrompez pas ce que je veux regarder : devenez ce que je souhaite regarder.
Faire cela ne coûte pas une montagne. Tout comme les barrières à l’entrée pour les audiences ont chuté, les coûts de production vidéo ont baissé. Vous n’avez plus besoin de dépenser des sommes à six chiffres sur un spot TV de 30 secondes pour générer de l’impact. Vous pouvez produire un contenu engageant, de haute qualité et efficace pour une fraction des budgets d’autrefois.
Mais il y a de mauvaises nouvelles. Le web et les plateformes sociales sont jonchés de scories. D’énormes déchets. Les statistiques sont stupéfiantes : selon Cisco, la vidéo représentera 82 % de tout le trafic des consommateurs sur internet d’ici 2021. Je serais ravi de savoir quelle proportion de ces vidéos sera de qualité. Personne ne se réveille le matin et se dit : « Oh, il n’y a rien d’intéressant dans mon flux social. »
Je serais ravi de voir un clip du directeur général de mon fabricant de widgets préféré m’expliquant pourquoi ses widgets sont les meilleurs du monde, un clip tourné sur un iPhone dans son bureau mal éclairé par quelqu’un aux mains tremblantes.
Continuons. Je vais faire défiler vers le bas. L’artisanat compte toujours. Vous en avez besoin pour couper court à travers la cacophonie. Malgré tous les changements qui se sont produits au cours des quinze dernières années, il existe des vérités éternelles. Vous avez besoin d’idées brillantes. Vous avez besoin de cette histoire-là. Mais maintenant ces idées, ces histoires, doivent être exécutées sur plusieurs canaux – dont beaucoup sont gourmands en vidéo.
Ce n’est pas une épitaphe pour les « anciens médias » – anciens et nouveaux peuvent coexister allègrement. Il y a toujours une fonction pour les publicités télévisées. J’adore le print. J’adore la radio. J’ai lu des publicités sur Tube. Mais je dirais que la vidéo de marque devrait être au cœur de toute stratégie marketing, principalement parce qu’il y a tellement d’endroits où elle peut être utilisée et parce que les gens veulent réellement regarder des vidéos.
Ne tombez pas dans le piège de penser que vous pouvez faire un tournage et utiliser le même montage partout : toutes ces chaînes et plateformes, tous les chocolats de la boîte ont leurs caractéristiques et saveurs uniques – différents formats, différentes longueurs idéales, différents comportements du public. Vous devez planifier à l’avance avant de faire tourner les caméras.
En effet, ces différentes caractéristiques peuvent affecter l’histoire elle-même. Cela a changé les compétences requises des « créatifs » d’aujourd’hui. Il ne suffit plus de faire un beau film avec une belle histoire et espérer qu’il trouvera un public.
Vous devez comprendre ce qui est devenu un écosystème de distribution très complexe et être conscient de la façon dont le public change en fonction de la plateforme dans laquelle vous le touchez. Cela signifie que les créatifs doivent maîtriser des ensembles de données qu’ils pouvaient auparavant mettre de côté tout en regardant par la fenêtre, les pieds sur la table et les Gauloises nonchalamment à la main, en attendant l’inspiration pour frapper. De nos jours, l’inspiration vient des données.
Pour conclure : n’ayez pas pitié des directeurs marketing de 2020. Ils devraient vraiment être aussi heureux qu’un poisson dans l’eau. Ils ne se sont jamais aussi bien portés, avec la capacité d’atteindre des audiences à grande échelle sans se ruiner ; la capacité de produire du contenu vidéo de haute qualité ; la capacité de raconter les histoires parfois complexes de leurs entreprises sans pour autant écrire un livre aussi long que celui-ci.
Bon sang, les gens sont même prêts à payer pour consommer du contenu vidéo de marque ces jours-ci. (Nous vous regardons, franchise Lego Movie). Ce n’est pas facile, et l’avenir deviendra plus compliqué. Les quinze prochaines années verront naître plus de plateformes médiatiques ; certaines parmi celles que nous connaissons et aimons aujourd’hui mourront. Mais je préfère cela plutôt que d’être coincé dans une distorsion temporelle de 2003.
Aujourd’hui, c’est amusant.
Faites-vous des amis avec le changement. Faites-en votre meilleur ami. Épousez-le. Et assurez-vous que quelqu’un filme le mariage.
Plan du directeur marketing sautant à travers les champs de trèfle, main dans la main avec une métaphore visuelle maladroite du changement, sur fond de « Changes » de David Bowie. L’image se fond graduellement au noir.
Graham Hayday, Directeur du contenu et de la stratégie chez Nemorin Creative Film & Video
Graham Hayday est directeur du contenu et de la stratégie chez Nemorin Creative Film & Video, agence de vidéo de marque. Avant cela, il était chef de studio chez Guardian Labs, l’agence de brand content du Guardian. Graham est un écrivain, éditeur, stratège de contenu et chef d’équipe avec plus de vingt ans d’expérience dans la production de contenu multimédia pour un large éventail d’audiences BtoC et BtoB. Sa spécialité est le contenu de marque, ayant passé les dix dernières années à travailler dans ce domaine pour des éditeurs tels que The Guardian et Condé Nast. Il aime travailler en mode collaboratif pour créer des œuvres numériques innovantes créatives qui remportent des prix et font une différence dans le monde.
Texte traduit de l’anglais par Luciana Uchôa-Lefebvre