Peut-on faire du brand content tout en étant bienveillant ? 

Le publicitaire français Patrick Mercier, cofondateur et CEO de l’agence Change, explique pourquoi la « benevolence » est selon lui un concept clé qui doit guider la production des contenus des marques.

L’agence Change se définit comme l’agence de la bienveillance. Le mot bienveillance ne serait-il pas un peu galvaudé de nos jours ?

Je préfère adopter le terme anglais « benevolence » qui est à mon sens plus adapté à l’univers du marketing et de la publicité, et qui a de plus l’avantage de ne pas être galvaudé. C’est la même logique qu’avec le terme « disruption », créé par Jean-Marie Dru et employé à la place de « rupture », qui n’était pas adapté non plus à l’univers des marques. Avec ce terme, nous souhaitons créer une nouvelle catégorie de marques : les « benevolent brands » qui cherchent à améliorer concrètement et quotidiennement la vie des gens. Être benevolent c’est être à côté des gens, c’est avoir un rôle concret et social dans la société. La réalité des marques aujourd’hui est d’une très grande fragilité : si on ne perçoit pas leur utilité, elles tendent à disparaître.

Peut-on faire du brand content et être bienveillant ? Comment appliquer la benevolence dans ses campagnes ?

Le terme brand content prend lui aussi le même chemin que le terme « bienveillance », il devient un mot tarte à la crème. Le benevolence content consiste à transmettre des informations utiles au consommateur. Si faire du contenu devient extrêmement banal, le faire pour améliorer la vie des gens n’est pas si simple. Il existe aujourd’hui une sorte de mode ou de tendance à ne plus faire de la publicité classique, mais cela ne sert à strictement rien si le contenu ne rend pas service aux gens.

Si l’on prend l’exemple de vos propres campagnes, comme celles que vous présentez sur la page d’accueil de votre site web, en quoi sont-elles bienveillantes ? 

Ce serait prétentieux de notre part de dire que toutes nos campagnes véhiculent des contenus utiles, nous n’y arrivons pas toujours parce que nous ne sommes pas les seuls à le décider. Mais il est vrai que de plus en plus de marques comprennent et adoptent cette attitude. Un bon exemple est la marque Rana [voir ici la campagne, NDLR] : au lieu de dire que son produit est formidable, le fabricant montre les questions qu’il se pose pour s’assurer d’élaborer le meilleur produit, il partage sa philosophie. C’est un excellent exemple entre autres de ce que doit être la publicité de demain.

Quelle différence faites-vous entre brand content et publicité ?

Aucune, c’est la même chose. Notre secteur aime inventer des mots. Aujourd’hui, le content est partout. C’est aussi l’occasion pour les agences médias qui ne sont pas dans la création publicitaire de vendre de nouvelles prestations, en plus de l’achat d’espace. Le fait est que tout cela renvoie à la même chose : on essaye de promouvoir des marques et des produits. Mais quels que soient la manière employée et le canal utilisé, si l’on n’a rien à dire d’intéressant, on est nécessairement sanctionné. Notre objectif chez Change est justement de conduire les marques à rendre leur message utile et intéressant. Il y a toujours de l’appétit pour de belles idées. On accepte la publicité parce que cela fait partie de notre environnement, reste que l’on a envie qu’elle soit utile et distrayante. Le patron de Vice, Shane Smith, a utilisé une très belle expression un jour en disant que les millennials disposent de détecteurs à bullshit. Quand on regarde la production publicitaire française et mondiale, on comprend que nous avons encore beaucoup de travail.

Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre.