Le discours de la marque doit être culturellement pertinent

Mathieu Lacombe* explique comment Danone s’est réinventée pour diffuser des campagnes en phase avec son temps

Quels éléments structurent votre stratégie afin que vos marques puissent émerger dans l’univers online ?

Nous avions déjà changé de monde, et il nous avait déjà fallu comprendre et intégrer ce changement de paradigme imposé par le digital. Et c’est encore plus vrai avec la situation que nous traversons en ce moment.

Cela fait deux ans que nous transformons en profondeur notre modèle. Nous sommes face à des individus qui se rejoignent autour de centres d’intérêt ou de raisons d’acheter. Il y a plein de raisons d’acheter un produit, cela varie d’individu à individu, même en période de confinement. Là où avant on se concentrait sur une seule clé d’entrée, désormais on doit produire un contenu propre à chaque type d’individu. Nous sommes de fait entrés dans l’ère du marketing de précision.

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La guerre de l’attention suppose un travail intense sur la considération, et ce même pour les marques très connues comme les nôtres. Le premier pas pour nous a consisté par conséquent à arrêter de communiquer en partant de nos croyances et à écouter ce que les Français avaient à nous dire. La technologie nous offre plein d’outils pour entendre les individus de manière beaucoup plus agile et en phase avec notre temps. C’est comme ça que nous pouvons mieux répondre à leurs attentes.

Quelles conséquences cette nouvelle approche entraîne-t-elle pour la communication et le marketing ?

Cela peut aller jusqu’à donner naissance à une nouvelle marque : HiPRO est née de cette écoute. Nous avions en effet identifié énormément de bruit et de requêtes sur le web autour de la « protéine » dans un contexte fortement relié aux pratiques sportives. Avec l’essor des salles de sport en France et le développement du crossfit, ces individus étaient en demande de produits à forte dose de protéines. Nous avons donc décidé de créer pour eux cette gamme de boissons lactées et de yaourts hyperprotéinés.

Pour la communication en général, cela suppose disposer de plusieurs segments d’audience pour chaque produit. Nous identifions entre quatre et cinq « tribus » par marque. C’est ce qui nous permet de produire, pour chaque campagne, les publicités et les contenus de marque associés tout en gardant une cohérence ROIste. Nous adressons des assets créatifs publicitaires ou de brand content spécifiques à chacune de ces tribus précisément là où elles se trouvent.

Quel levier fonctionne le mieux : la publicité ou le brand content

Il faut un mix des deux. Le plus important, c’est de s’assurer d’un storytelling de marque qui soit fort et culturellement pertinent. Pour cela il faut impérativement comprendre les codes et la culture des communautés. Comment parlent les crossfiters ? Où sont-ils en ce moment ? Avec quoi s’engagent-ils, loin de leurs salles ? Sans cette compréhension, les histoires seront faibles.

Les codes des médias sociaux ont-ils pris le dessus sur ceux des spots télé dans vos campagnes publicitaires ?

Non, car il faut comprendre que le mix média dépend des tribus concernées par les marques, et que chaque marque répond aux besoins de tribus différentes. Pour HiPRO, nous sommes dans du 100 % social media, tandis que pour Activia la télévision demeure majoritaire, complétée par le digital. Il y a autant de mix médias que de marques. C’est totalement différent du modèle d’avant, où l’on avait globalement une approche plus large : télé, affichage et digital.

Au final, le contenu de marque devient quoi sur le fond et sur la forme ? 

Il varie énormément. Pour Danette, on aura à la fois de la publicité, notamment vidéo sur différentes longueurs, et des opérations de brand content d’envergure sur TikTok et Youtube, pour ne citer que deux exemples.

En deux mots, pour réussir sa communication, il faut comprendre les attentes, la situation et les  impératifs des individus, comme celui de rester assigné à résidence pendant cette période de confinement, sans oublier de remettre les choses dans le bon ordre : au lieu de faire d’abord de l’awareness pour cheminer jusqu’à la conversion, il faut inverser la logique et partir d’abord des cibles les plus chaudes. C’est pour cela que nous visons prioritairement ceux et celles qui recherchent des produits que nous produisons, pour ensuite nous intéresser aux individus qui ont des raisons de les acheter et seulement après nous concentrer sur les masses auprès desquelles il peut y avoir des probabilités d’impact.

* Mathieu Lacombe est head of digital & media chez Danone.

Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre.