« Looking Back To The Futur »

Greg Turzynski, CEO, Global Living Brands – BCMA

Rien qu’en 2018, nous avons produit pas moins de 1,812 exoctets (milliard de gigaoctets) de donnés, selon Cisco. Cela équivaut à 362 fois la quantité de données générées entre 2003 et le début des temps (5 exaoctets selon IBM). Il est par conséquent tout à fait vrai que cela commence à devenir compliqué de se retrouver au milieu de ce vacarme, qui de plus est constitué en grande partie de déchets.

Plusieurs options s’offrent aux professionnels de la communication : accepter que les fous soient sortis de l’asile et partir en courant, travailler avec eux ou devenir l’un d’entre eux, trouver une machine qui réglera le problème, ou reconnaître qu’il n’y a rien de nouveau ici et qu’il suffit d’apprendre comment appliquer d’anciennes règles dans ce nouvel ordre.

Il existe en effet de nombreuses anciennes règles, dont voici quelques-unes que je citerai ci-après de manière incomplète et sans qu’un ordre particulier soit respecté.

En 1894, le philosophe français Guillaume Ferrero publia un article intitulé la théorie sur « Le principe du moindre effort ». Zipf, Poole et Mann ont épousé des théories similaires tout au long du 20siècle, ce qui prouve qu’une invention peut souvent avoir plusieurs paternités (une autre vieille règle pertinente !). Cependant là nous nous dispersons…

Selon ce principe, c’est dans notre nature la tendance à choisir la voie impliquant le moindre effort pour accomplir des tâches ainsi qu’à cesser tout effort dès que des résultats acceptables sont obtenus. Oui, nous sommes paresseux et de nombreuses nouvelles technologies sont conçues pour s’adapter à cela, voire pour l’exacerber.

À l’origine, ceux qui ont passé le plus de leur temps à réfléchir sur ces questions sont les bibliothécaires. L’organisation d’une bibliothèque est la science qui consiste à garantir aux gens qu’ils ont trouvé exactement ce dont ils avaient besoin, et non de montrer qui a fait le travail.

Le principe du moindre effort peu expliquer la mutilation de la langue anglaise en ligne (LOL), notre propension à croire aux fake news, l’influence des influenceurs, le pouvoir des critiques et, de fait, le succès de Google.

Nous pouvons approfondir beaucoup plus nos pensées, mais nous sommes de plus en plus conditionnés à ne pas nous en servir. De ce fait, le premier défi nous permettant de nous élever au-dessus de tous ces déchets est celui qui consiste à trouver une solution qui exige un minimum d’effort.

Même si votre contenu de marque peut éventuellement conduire votre client dans un parcours donné, il n’en reste pas moins qu’il faut d’abord attirer son attention. Cela peut expliquer le recours aux influenceurs, au sport, aux grandes causes et aux jeux pour représenter votre marque. S’il est vrai que ces derniers vous permettent de vous faire remarquer, cela se fait parfois en privilégiant la facilité. Alors qu’il faut être pertinent et authentique, on n’est en réalité ni l’un ni l’autre.

Toutes les marques ne peuvent se permettre un tel raccourci. Vous avez besoin de quelque chose qui attire l’attention paresseuse de votre public. Ce dont vous avez besoin, c’est d’une idée, peut-être d’une histoire et d’un bon titre : il n’y a pas de place pour des raccourcis.

Il existe un format qui applique le principe du moindre effort et qui constitue de fait un raccourci : la vidéo. La vidéo est le format idéal pour les paresseux. Vous pouvez l’arrêter, la mettre en pause, la démarrer, la reprendre et facilement la partager n’importe où. Pas besoins de lire, d’écrire ni même de beaucoup se concentrer. Sans surprise, d’autres formats pour paresseux fonctionnent tout aussi bien : l’audio, la radio et les podcasts.

Ainsi, les consommateurs étaient-ils paresseux en 1894 et le deviennent davantage aujourd’hui, raison pour laquelle nous devons travailler dur pour capter leur attention. L’immense succès de l’affiche de Pirelli avec en vedette Carl Lewis à l’apogée de sa carrière en 1994 en est une illustration parfaite.

Image reproduite avec la permission de Pirelli.

Alors que tout le monde vous dit de raconter une histoire dans votre brand content, comment s’y prendre ?

Vous devez réaliser un voyage pour résoudre l’énigme, même si vous craignez le changement et que vous avez peur de perdre la normalité de votre quotidien. Votre mentor arrive pour vous guider, et vous vous lancez dans l’inconnu. Votre chemin est rempli de dangers et vous devez faire face à de nombreuses épreuves. Vous découvrez des personnes que vous aimez et d’autres qui cherchent à vous empêcher de poursuivre votre route. Vous affrontez vos propres peurs et cela vous élève. Vous parvenez alors à trouver la réponse, que vous amenez au bureau pour changer le monde.

En 1949, Joseph Campbell a écrit un livre intitulé Le héros aux mille et un visages. Dans le cadre du voyage initiatique du héros, Campbell met en lumière un motif universel d’aventure et de transformation qui traverse toutes les traditions mythiques du monde. En d’autres mots, il existe une formule pour toute grande histoire !

Le schéma ci-dessous résume le voyage initiatique du héros et personne ne s’étonnera, après avoir réfléchi un tant soit peu, que George Lucas ait décrit Campbell comme « mon Yoda ».

Image reproduite avec la permission de la Fondation Joseph Campbell.

Si Star Wars ne vous est pas familier, ce lien pourra vous aider, ou alors essayez Matrix, Les Hobbits, Harry Potter, Shrek, Le Seigneur des anneaux, Le Roi lion, Spiderman or Le Magicien d’Oz.

Essayez ensuite les films de Chivas Regal (« Here’s to Twinkle » et « Here’s to Big Bear ») ou ceux de BMW. En moins de dix minutes, vous ne verrez certes pas tout le périple, mais vous constaterez que tous semblent utiliser des éléments du voyage du héros. Pensez aux directeurs des films de Chivas Regal et de BMW : John Frankenheimer, Ang Lee, Wong Kar Wai, Guy Ritchie, Alejandro González Iñárritu, John Woo, Joe Carnahan. Tous des maîtres du storytelling.

Même si l’on peut prétendre que faire du storytelling est un exercice élémentaire, il est néanmoins utile de comprendre le schéma du voyage du héros et d’essayer de l’appliquer. Trop d’histoires sont, par définition, pas d’histoires !

Histoire : récit, vrai ou fictif, en prose ou en vers, destiné à intéresser, à amuser ou à instruire l’auditeur ou le lecteur.

Richard Saul Wurman est dans le « business de la connaissance ». Il a inventé l’expression « architecture de l’information ». Il a publié plusieurs livres, dont Information Anxiety (1989) et Information Anxiety 2 (2000). Il est le fondateur des discussions TED. Ses livres traitent du problème de l’excès d’informations, des mécanismes de la compréhension et de la beauté de ce qui peut être une forme d’art perdu : la conversation.

En somme, nous sommes dans « l’ère de l’Information » mais nous avons oublié ce qu’est l’information. Tout se résume à la data ou à pire. Nous ne pouvons comprendre la plupart des informations auxquelles nous avons accès et, à mesure que leur volume explose, notre capacité à les traiter reste la même.

Selon lui, « il n’existe encore qu’une méthode pour transmettre la pensée », pour communiquer de manière à capter l’esprit : la conversation. La conversation peut être le miroir de l’esprit, une boîte de Pétri pour les idées.

Cela nous permet de communiquer nos pensées de manière à bien refléter la façon dont celles-ci se produisent dans notre esprit. L’objectif implicite et explicite de toute conversation est la compréhension : ce sont des machines à comprendre, des forums extrêmement satisfaisants pour échanger des informations.

Un exemple courant concerne les différences de résultats entre une correspondance par courrier électronique et lors d’une conversation. En théorie assez similaires, en pratique totalement différents. La conversation est un très bon moyen de communiquer avec ses clients. Alors, pourquoi n’est-ce pas un objectif essentiel du marketing ?

Les entreprises communiquent majoritairement avec leurs clients en supprimant toute possibilité d’établir une conversation avec eux, par exemple via des systèmes téléphoniques automatisés (soit des systèmes de réponse vocale interactifs !) et des chatbots (des entités de conversation artificielles !).

De même, les canaux et les formats avec lesquels nous choisissons de communiquer ne nous permettent pas d’établir de conversation. Vous ne pouvez dialoguer avec une bannière ou une publicité sur un journal. Le call to action vous enverra probablement sur un site web où, d’une manière générale, vous ne pouvez pas dialoguer ou on vous décourage de le faire. Bien entendu, de nombreuses formes de communication peuvent déclencher une conversation entre consommateurs, comme le bouche à oreille. Vous pouvez avoir une certaine forme de conversation dans les médias sociaux, mais ce n’est pas vraiment stimulé. En tout cas, ce n’est pas explicitement encouragé. Je ne me souviens pas d’avoir une seule fois lu une publicité qui disait : « Venez discuter avec nous. »

Le brand content a un potentiel énorme pour engager le public et lui permettre d’entamer une conversation avec la marque. Faisons donc du call to action du brand content un sujet de conversation !

Greg Turzynski est le CEO de Global Living Brands, une agence de brand content stratégique primée, et le conseiller mondial de la BCMA. Greg a commencé à travailler chez Young & Rubicam à Londres, où il était notamment directeur de la diffusion et directeur des médias. Il est ensuite devenu associé directeur, puis directeur général d’Optimedia et de ZenithOptimedia, une entreprise qui pèse environ 630 millions de livres d’achat média. Greg a également fait partie de l’équipe qui a réalisé « Investors in People » pour Optimedia et qui a lancé « The ROI Agency » pour ZenithOptimedia. Greg a siégé aux comités de formation et de développement de l’IPA ainsi que celui du service à la clientèle.