« A l’avenir, c’est bien le brand content qui va inspirer la télévision » 

Rencontre avec Pascal Nessim. Il nous expose sa vision d’un brand content engageant et réussi.

Comment définir le brand content aujourd’hui ?

Le brand content est un contenu de marque destiné au digital et aux réseaux sociaux. C’est différent de ce qui se fait dans une campagne classique de publicité : les contenus et les techniques du brand content se distinguent fortement de ce que l’on a l’habitude de voir à la télévision. Quand on fait du brand content pour un client, on mesure l’engagement que le contenu génère, la logique est toute autre ! Plus le contenu est créatif, plus il générera de partages et mieux il consolidera les piliers de la marque.

L’apparition du brand content a fortement multiplié le nombre de contenus que l’on crée pour une marque. Beaucoup de grands publicitaires n’aiment pas le brand content parce qu’on doit le produire vite avec des moyens différents et sans la visibilité d’une campagne diffusée tous les jours chez TF1. Mais intellectuellement, c’est cent fois plus intéressant, créativement, beaucoup plus libre et stratégiquement beaucoup plus juste. Ce sont des pièces de contenu de marque bien plus intéressantes qu’un spot de télévision standardisé… Sans compter qu’à la télévision, cela reste très difficile d’émerger.

Où se trouve finalement la différence essentielle, dans la proximité avec les cibles ?

Le brand content, on le regarde dans la rue, dans le bus, en attendant un rendez-vous chez le médecin, parfois sans le son, il faut donc se mettre dans la peau du consommateur. Une publicité pour le mobile n’est pas du tout la même chose qu’une publicité pour le cinéma. Ce sont des exercices créatifs différents : les gens qui le font ont de l’empathie pour l’utilisateur qui va recevoir ce contenu, ils adoptent sa logique.

Ce brand content nouvelle génération est-il le produit direct du digital ?

Ce changement est le fait du digital mais également et surtout du haut débit. Avant son arrivée, même afficher une photo était compliqué. Le haut débit a tout libéré. C’est à ce moment-là que l’e-commerce et YouTube ont commencé à se développer fortement. Tout d’un coup, les créatifs ont compris l’intérêt de faire de la vidéo. L’abandon du desktop a accentué ce phénomène.

Le mobile s’est en effet avéré un canal très intéressant pour diffuser du contenu de marque, tout simplement parce que les gens sont tout le temps sur leur téléphone. Le fait que la télévision soit de moins en moins regardée par les jeunes ne signifie pas qu’ils ne s’intéressent plus aux émissions. Cela traduit le fait qu’ils sont de moins en moins sensibles à une écriture publicitaire classique. Au lieu de produire une campagne classique, Oasis a ainsi offert à ses fans une saga, une mini-série pour diffuser l’état d’esprit de la marque. Nous avons d’autres clients, comme Orange, pour lesquels nous produisons énormément de contenus qui ont vocation à être diffusés sur les réseaux sociaux.

Quel est d’après vous le secret d’un brand content réussi, notamment pour parler aux jeunes générations ?

Les jeunes aiment la publicité sublime, il y a toujours une prime à la créativité. Mais vous ne pouvez plus leur dire « Buvez du Coca, buvez du bonheur » ou encore « Air France, le plus bel endroit de la terre », cela ne marchera pas. Cette population-là a acquis avec les réseaux sociaux un état d’esprit indifférent aux logiques top down. Il faut écrire autrement. La différence entre la télévision et le digital, c’est que dans le premier cas on pousse des contenus, alors que dans le second il faut cliquer.

Faire cliquer les jeunes quand ils adorent une marque, rien de plus simple. Mais quand vous êtes Orange ou Carrefour, comment les engager ? Il faut penser à eux et pour eux, et croiser cela avec la culture de la plateforme dont vous allez vous servir pour diffuser le message. C’est différent d’être sur Twitter ou sur Instagram. Certaines plateformes demandent de la transgression, de l’autodérision, de l’humour… Il faut savoir adapter les codes de la marque au langage des autres. Beaucoup de marques font du contenu avec des influenceurs. Mais la vraie difficulté est de faire coïncider l’intérêt de la marque avec la culture de la communauté de l’influenceur et celle de la plateforme de diffusion. On ne raisonnait pas du tout comme cela avant.

Je suis convaincu que le brand content va prendre de plus en plus d’importance, tandis que le rôle de la télévision sera de construire des marques. Il faudra des créatifs de haut niveau pour la télévision, qui concevront de vrais beaux films pour créer les marques, et ce sont les ressources humaines issues du brand content qui le feront. À l’avenir, c’est bien le brand content qui va inspirer la télévision.

Pascal Nessim est le CEO de l’agence Marcel (Publicis) et coprésident du 10e Grand Prix du Brand Content.

Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre.