« Le pop-up store est la pièce agile du retail d’aujourd’hui »

Gwenola Galippe de Legge*, directrice de Klépierre Brand Ventures, explique pourquoi le pop-up store est devenu un territoire d’expression des marques, un phénomène qu’elle qualifie de durable, faisant le lien entre le retail et le digital.

Comment définir le pop-up store, au-delà de la simple notion de boutique éphémère ?

Les contours de ce concept sont en effet très flous, aussi bien pour les consommateurs que pour les professionnels. Le plus petit dénominateur commun est son caractère éphémère, ce qui veut dire tout et rien. Certaines opérations ne durent que trois ou quatre jours, d’autres deux ou trois mois, d’autres sont maintenues jusqu’à une année. Les cas de figure sont aussi variés que les objectifs des marques. Quant à la notion de boutique, il n’y a pas nécessairement de vente de produits ou de services, même si la plupart fonctionnent également comme point de vente.

Le pop-up store est avant tout un territoire d’expression de la marque. Celle-ci choisit son lieu, qu’elle rend à son image pour y construire une expérience entièrement personnalisée. C’est également un formidable outil de recrutement et de transformation : sa vraie force est de se situer de fait dans le monde physique et de générer de l’interaction avec des gens qui deviennent facilement des ambassadeurs de la marque sur le digital, les expériences étant elles-mêmes « instagramables ». Parce qu’il a l’agilité du digital et l’ancrage réel et émotionnel du physique, le pop-up store est le trait d’union entre le physique et le digital. En deux mots, c’est la pièce agile du retail d’aujourd’hui.

Quelles sont les principales fonctions d’un pop-up store ?

Ses fonctions sont très variées et peuvent être activées à la carte, suivant l’expérience que la marque veut proposer sur le site. La première est de renforcer la notoriété et l’image de la marque, la deuxième, de proposer des contenus et des expériences aux consommateurs, et la troisième, de vendre. C’est un touch point de plus, à la fois très différent et complémentaire des leviers classiques, qui donne beaucoup de place à l’expérience et à l’interaction, ce que ni le retail physique ni le digital ne peuvent offrir aux consommateurs.

Si vous faites un pop-store store juste pour exposer des produits sur une étagère et les vendre, votre opération ne sera pas aboutie. Le vrai plus de ce canal est de vous permettre de « surgir » à un endroit où l’on ne vous attend pas pour raconter autrement une histoire, avec des possibilités d’interaction avec vos cibles beaucoup plus fortes, tout en leur donnant un sentiment d’urgence, car ce n’est pas fait pour durer. C’est pour cela que c’est un canal si propice au brand content.

Une enquête que vous citez, réalisée par QualiQuanti et Klépierre auprès de consommateurs français, indique que 20% des personnes interrogées ont déjà changé d’avis sur une marque après avoir vu un pop-up store. Comment expliquer un tel impact ? 

Lorsqu’une marque choisit de monter son pop-up store, elle le place dans un lieu d’« hyper-flux » et elle travaille l’expérience de manière très poussée, de façon à nourrir sa relation avec le consommateur avec de l’émotion. Le caractère éphémère de l’offre joue également un rôle important, car il suscite un sentiment de « c’est maintenant ou jamais », ce sentiment d’urgence et d’inédit dont raffolent les millennials et de plus en plus des consommateurs. On aime se sentir privilégié, ne pas avoir la même chose que son voisin, c’est tout l’enjeu de la personnalisation.

Quelles sont les erreurs à ne pas commettre quand on créée un pop-up store ?

Il ne faut jamais faire un copié-collé, un « me too » de son magasin, bref il ne faut pas utiliser les mêmes codes du retail, autrement on passera à côté de tout le potentiel d’un pop-up store. Il faut, au contraire, se concentrer sur le travail de l’image, de la notoriété, de l’expérience et de l’interaction. Cela passe par de minuscules détails.

Un magasin a des murs et des portes, et ce passage rebute les consommateurs. Placés dans les gares, les aéroports ou les centres commerciaux, les pop-up stores sont totalement ouverts : en abolissant les frontières entre le magasin et les passants, c’est bien la marque qui va à leur rencontre. Le mobilier doit être le plus bas possible. De même, l’hôte ne doit pas être assis, mais se mettre en perpétuelle interaction avec le consommateur. Il ne faut pas exposer simplement ses produits, mais se montrer généreux et embarquer le consommateur dans son storytelling afin de le rendre acteur de l’expérience.

Y a-t-il des secteurs plus friands que d’autres de cette solution ?

Tous les secteurs d’activités sont présents. Les plus friands sont les secteurs dont les produits nécessitent d’être touchés, sentis, manipulés, comme l’automobile, les services, les produits high-tech, la beauté, les accessoires, etc.

Comment mesurer la performance d’un pop-up store

Les agences considèrent le pop-up store comme un média pour leurs relations publiques, et ne disposent que de très peu de KPI pour démontrer les ROI des marques. Nous partons du principe qu’il est possible de travailler sur ce type de dispositif avec de vrais KPI, exactement comme dans le digital : en mesurant la couverture, la répétition et l’engagement. Pour cela nous avons développé une solution de mesure avec Retency. Qu’elle vienne pour vendre ou pour s’exprimer, la marque peut connaître le nombre de consommateurs qu’elle touche, qui interagissent avec elle et pour combien de temps, et qui transforment. Renault a ainsi pu mesurer le nombre de consommateurs restés plus de cinq minutes dans son pop-up store chez nous, une durée qu’aucun autre média ne pourrait offrir à aucune marque.

* Gwenola Galippe de Legge est directrice de Klépierre Brand Ventures, la filiale en charge de la publicité et du commerce éphémère de la foncière Klépierre (présence dans 18 pays, une cinquantaine de centres commerciaux en France). Klépierre Brand Ventures accueille 300 pop-up stores par an, un chiffre qui serait en nette hausse.

Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre.